Mission: extraordinaire rencontre ( Fe historiques)

Décidé à aller ruminer seul dans son coin, Louis ne s’attendait pas à ce que l’un ou l’autre de ses compagnons ne daigne se préoccuper de ses états d’âme qu’il venait de déballer. Pourtant, Richard le retint et l’éteignit fortement avec une tirade à émouvoir plus endurci.
De belles paroles, surtout sincères. Plusieurs mots marquèrent le monarque : mon grand, même bain, décisions arbitraires, pardon, phare, amis.
Etranglé d’émotions, Louis ne put que murmurer un « merci » avant d’obéir au conseil et non à l’ordre de Burton.

*Au moins lui, il a compris, songea-t-il en se mettant en chien de fusil dans un coin. Achille, lui… ? J’y penserai plus tard.*

Crevé physiquement et moralement, le 14ème du nom se laissa dériver dans le sommeil. Cette sieste lui fit du bien. Il n’y avait aucun moyen de savoir l’heure qu’il était quand Richard le réveilla doucement. Combien de temps s’était-il écoulé ? Quelle importance ?
La marche repris dès le campement levé. Nul obstacle ne se présenta à eux, pour la plus grande satisfaction de l’ex-roi. Pourtant quelque chose l’intrigua.

Vous trouvez normal que l’on soit quasi collé les uns aux autres ? Il fait assez frais et j’apprécie beaucoup votre chaleur mais là, entre vous deux, je me fais l’effet d’être le jambon du pain que Richard appelle sandwiche. Vous ne pourriez pas vous reculer un peu ?

Force fut de constater que c’était impossible. Le tunnel de métal se rétrécissait à chaque pas. Bientôt ils durent circuler à la queue leu leu, Achille ouvrant la marche ce qu’apprécia Louis. Avec un tel éclaireur, on ne risquait pas grand-chose en cas de mauvaise rencontre.
Soudain, le héros Grec n’avança plus. Fatalement Louis qui ne s’y attendait pas s’écrasa dans le dos de l’athlète, ce qui le mit en rogne :

Ce n’est pas ce que tu crois ! Je n’avais pas de mauvaises intentions, se défendit aussitôt le roitelet prêt à se prendre une baffe.

Richard, le sage, écarta tout le monde et décréta que lui irait explorer ce goulet.
Puisqu’il connaissait la réponse, Loulou se contenta de penser ses questions :

*Pourquoi pas moi ? Tu as peur que je fasse des bêtises ? Avoue !*

Enfin… Richard adorait exercer son ancien métier, autant lui laisser la palme de la découverte.
Resté seul avec Achille tandis que Burton s’enfonçait dans cette faille étroite, le roitelet ne put s’empêcher de pérorer :

Tu vas voir ! Je parie mille pistoles qu’il va revenir en nous disant qu’il a trouvé la porte. J’en parie mille autre que plein de jolies femmes nous attendent derrière.

La remarque d’Achille rendit Louis boudeur. Heureusement le Britannique revenait et exposa les faits.

Tu vois, j’avais raison, j’ai toujours eu raison.

Hop, un petit pas de menuet pour débrider sa satisfaction. Pourtant la situation n’était pas brillante. Si lui et sa petite carrure sauraient se déplacer facilement dans le boyau, aux dires de Richard, Achille ne passerait jamais sans être écorché vif.

Ben, on n’a qu’à faire demi-tour, suggéra Louis. On a trouvé la porte, c’était le but, non ?

Bam, une tape dans l’épaule. Se la massant, l’air mécontent, le 14ème déclara :

C’est de la terre, tu dis, Richard ? Eh bien creusons autour pour élargir. En s’y prenant soigneusement, on pourra y faire circuler un bœuf…

L’idée parut tenter ses compagnons mais Burton, toujours pratique, voulait à tout prix étançonner le tunnel. Il ne resta plus qu’à faire marche arrière pour tenter de glaner les matériaux nécessaires. Heureusement de nombreux trous crevaient les parois de métal. Les racines offrirent des étais acceptables, le lent travail de fourmi commença. Chacun à tour de rôle s’y prêta. Ils évacuèrent les déblais rassemblés sur une veste que les autres tiraient hors du boyau grâce à une corde nouée à une manche. Louis détesta ça.

*Gratter la terre comme un simple paysan. Maman, tu rirais si tu me voyais*

Mais Anne d’Autriche n’était pas là pour le sermonner, alors il piocha vaillamment.
Au bout d’un temps interminable entrecoupé de pauses désaltérantes, le trio jugea le travail achevé. Un bœuf n’y passerait certes pas mais Achille oui, quoique…
Richard se gratta la tête et déclara que ce serait Louis qui gratterait le dernier mètre. Il lui en fit des recommandations !

D’accord, je ne toucherai à rien, promis juré, craché ! bougonna le roi de France en se remettant au travail.

Quand il eut étançonné le bout du tunnel, il héla les autres qui, via la corde, lui passèrent matériels et provisions avant de s’engager eux-mêmes dans le boyau.
Il leur faudrait bien 5 minutes pour arriver. En attendant, désoeuvré, Louis regarda le petit espace clair fermé par la fameuse porte de ses rêves. Assez haute, elle paraissait d’une matière inconnue pour lui. Louis avait promis de ne toucher à rien. Il tint parole. Il appuya juste son dos contre le panneau, histoire de dégager le passage à ses compagnons. Le basculement subit le prit de court. Il hurla de terreur en se retrouvant soudain couché sur la porte à contempler… une forêt vierge.

Réconforter Louis, puis prendre un tour de garde, n’embêta pas Richard. Il décompta mentalement les secondes à défaut de consulter sa montre à gousset perdue sans doute dans un repli du temps entre sa mort et sa résurrection.
Pour le Britannique, aucune hésitation : ils devaient maintenir l’unité du groupe. Tous se soutiendraient sinon, ce serait la ruine de beaucoup d’efforts.
Quand une heure lui sembla passée, il se leva réveiller les deux autres. La bonne humeur du 14ème semblait revenue ; il ne se priva pas d’alimenter la conversation avec son style débridé. L’aller et retour de Burton dans le boyau de la porte provoqua diverses réactions. Louis, après avoir esquissé un pas de danse, voulut tout bonnement rebrousser chemin. Achille ne le ménagea pas physiquement, lui verbalement :

On est venu jusqu’ici pas seulement pour te donner raison ! Je crois qu’il faut aller plus loin mais Achille… tu es trop corpulent pour passer sans y laisser ta peau, au sens propre.

Tiens, l’altesse émit une suggestion sensée.

Creuser est envisageable mais il faudra éviter les éboulements. Nous devrons étançonner ce boyau de terre.

Personne ne répliqua, on se mit en chasse des matériaux indispensables à ce travail minier. Tous s’y collèrent avec plus ou moins de bonne volonté. La remarque de Louis sur le passage d’un bœuf n’enchanta pas Achille. Néanmoins au bout de longues heures, il ne resta plus qu’un mètre à élargir. C’était le plus petit qui devait y aller… Loulou fut désigné d’office.
Un système ingénieux de navette avait été installé pour l’évacuation des débris. Il servit également à expédier les « bagages » des explorateurs. Malgré la promesse formelle du roi à ne rien entreprendre seul, Burton s’angoissait de le laisser face à la porte. Il était engagé à mi-parcours dans le goulet lorsqu’un cri déchirant frappa ses oreilles :

NdeD, il l’a fait !

Rampant le plus vite possible en évitant de déplacer les étais de fortune installés le long du parcours, il était près de toucher au but lorsqu’un bruit derrière lui l’effraya davantage que le hurlement de Louis.

Achille ! Ça va ? Réponds ! Achille !

La poussière faillit le suffoquer. Pas de doute, un éboulement s’était produit. Le héros Grec devait être enseveli ou… pire !
Rassemblant toute son énergie, Burton se propulsa vers l’espace libre près de la porte. Qu’une ouverture l’ait remplacée ne l’intéressa pas. Il ne visa que la corde demeurée là au bout de laquelle devait s’accrocher Achille. Suant et ahanant, le Britannique s’en empara et commença à tirer.

Louis, si tu vis encore, viens ! Achille est coincé, ça s’est écroulé !

Une présence dans son dos lui confirma la réapparition du roi. Ensemble, unissant leurs forces, ils parvinrent à extraire le corps de l’athlète.
Quelques baffes, un peu d’eau, celui-ci revint à la conscience après une toux copieuse.

Qu’as-tu encore fabriqué, Louis ? gronda Burton

Dénégation du monarque qui se contenta de montrer un nouvel horizon. Bouche bée, Richard se crut revenu au paléolithique tel que le décrivaient des savants de son époque.

On n’est pas sorti de l’auberge.

Traverser cette jungle tropicale et touffue, ne lui plaisait guère. Cependant… Que faire d’autre ? Une fois assuré de la vaillance d’Achille, chacun prit son paquetage et une autre exploration débuta.
Il fallait faire attention où l’on posait le pied. Ronces aux épines énormes, racines sournoises, risquaient à chaque pas de vous expédier au sol. Des insectes démesurés tournoyaient autour d’eux. Ils gesticulèrent beaucoup pour s’en protéger. Puis… le sol vibra anormalement.

Même si un peu éloigné des ses compagnons d'aventure, il put entendre Richard parler au monarque. L'anglais trouvait les mots justes pour l'apaiser. Chose que lui n'aurait certainement pas réussi à faire, il était doué pour donner des ordres pas pour présenter des excuses.

*Pourtant faudra t'y mettre, sans ça Louis te gardera éternel ressentiment...*

À croire que rassérénée par le paroles de l'explorateur, Sa Majesté fut la seule à dormir, ce soir là. Richard se présenta pour le relever bien trop vite à son goût et en passant lui glissa une remarque, qui fit définitivement fuir le peu de sommeil qu'il aurait pu avoir:

Tu avoueras qu’il n’a pas menti. On le traite comme une bête de somme depuis notre arrivée… Va te reposer, Achille.

Certes il était fatigué mais de là à pouvoir fermer les yeux et choir dans les bras de Morphée moyennait un abîme. Il resta donc là, à réfléchir profondément aux mots de Burton. Il avait sans doute plus de raison que voulu...mais le grec trouva qu'il exagérait tout de même un peu. Personnellement, il veillait sur le roi comme si telle était sa mission...bien sûr, il n'allait pas de main morte avec les petits sarcasmes et autres menus faits...

On leva le campement après des brèves heures de repos. Louis, lui, avait en tout cas l'air très guilleret, il était le seul à avoir fermé l'œil comme il se doit.
Sans trop le penser, Achille s'approcha de lui.

Écoute, Louis, je suis désolé si tu penses que je suis une brute sans cœur. Ce n'était pas mon intention te la mener à la dure ni te faire sentir mal à l'aise. Rien plus loin de ma pensée que le fait que tu puisses être inférieur à nous en quoi que ce soit. La grandeur d'un homme ne réside pas en sa force mais en ses faits, cela dit, je crois que l'histoire nous a été équitable à tous les deux...moi le plus fort, toi le plus grand. On est quittes. Dans ce pétrin étrange nous ne sommes que des hommes, toi sans parures royales, moi sans armes divines. Richard et toi êtes mes amis, c'est la seule chose qui compte pour moi...car vous êtes certainement les seuls que j'ai jamais eu. Alors, sois brave, roi, finis en avec tes états d'âme et regarde ce que nous dépare ce présent, le seul que nous ayons. Le passé, quel qu'il ait été n'est que ca...passé. Maintenant on lève le campement et par l'amour de ton Dieu, ne te fourre pas dans d'autres problèmes!

Remis totalement d'aplomb Sa Sérénissime Majesté, n'hésita pas à reprendre ses vieilles habitudes. Il faisait si bien les frais de la conversation en cours de route, que les deux autres n'avaient presque pas besoin d'ouvrir la bouche sauf pour placer un grognement poli qui tenait lieu de commentaire philosophique. Et puis le tunnel commença à s'étrecir, tant et si bien qu'au bout d'un moment ils marchaient l'un derrière l'autre. Par force, Achille en tête et puis voilà que...

Bon sang, Louis tu peux pas regarder!?

C'est vrai qu'il s'était arrêté soudain et le 14ème du nom lui était rentré dedans , il se faillit de peu pour que, soudain déséquilibre,'il se colle, nez le premier, contre la paroi de métal.

Ce n’est pas ce que tu crois ! Je n’avais pas de mauvaises intentions,

Achille lui décocha un coup d'œil goguenard.

Je n'ai jamais mis en doute la qualité de tes intentions, Louis...elles sont toujours très louables.

Fin de l'interlude musical. Richard décida qu'il passerait en premier. Louis allongea la mine. Achille lui, s'en fichait, de toutes façons, il ne pouvait pas songer à entrer dans un passage si étroit, c'est là que la carrure devient gênante. L'anglais disparut dans la fente, Louis oublia son moment d'humeur.

Tu vas voir ! Je parie mille pistoles qu’il va revenir en nous disant qu’il a trouvé la porte. J’en parie mille autre que plein de jolies femmes nous attendent derrière.

Ouais et dès qu'elles voient de quoi tu as l'air, elles décampent à toute vitesse. En tout respect, Majesté...mais tu as l'air d'un épouvantail à moineaux!

Son allure à lui ne valait pas mieux mais vu la taille il épouvanterait des plus grosses bestioles, sans doute.

Le retour de Richard mit fin à une possible discussion sur l'élégance. Rien à faire, le boyau était trop étroit. Achille n'y passerait pas a moins de vouloir laisser la peau accrochée aux parois...pas trop engageant. Mais la fameuse porte était bien là, ce qui donna au Roi Soleil des envies de danse, sous l'œil taciturne de ses compagnons... Il avait eu raison, pas à dire mais si on ne le faisait pas taire, Achille se verrait obligé à l'assommer. Richard fut, encore une fois, plus diplomatique:

On est venu jusqu’ici pas seulement pour te donner raison ! Je crois qu’il faut aller plus loin mais Achille… tu es trop corpulent pour passer sans y laisser ta peau, au sens propre.

Ben, on n'a qu'à faire demi tour! On a trouvé la porte, c'était le but, non?

Achille ne put pas se contenir et lui assena une petite tape sur l'épaule.

Ferme la, Louis!

Mais ce dernier n'était pas prêt à lui faire plaisir, digne comme ce qu'il était, Louis exposa tranquillement son plan, si simple.

C’est de la terre, tu dis, Richard ? Eh bien creusons autour pour élargir. En s’y prenant soigneusement, on pourra y faire circuler un bœuf…

Pas besoin d'un dessin pour deviner que le bœuf en question s'était lui. Finaud, il lui rendait la monnaie de sa pièce. N'étant pas âme sensible, Achille ignora ces paroles et s'attela à la tâche de déblaiement sans faire des histoires. Ce ne fut pas tâche facile mais au bout de sait on combien de temps, ils jugèrent le travail achevé. Le héros de Troie considéra le trou d'un œil laconique. S'il y passait ce serait de justesse mais enfin on verrait le moment venu. Restait le dernier mètre à déblayer. Louis fut l'élu et s'engagea une fois soutirée la promesse qu'il n'improviserait pas. Tout se passa très bien jusqu'au moment où Louis fut enfin face à la porte de ses rêves.

Ça ne tarde pas!, assura Achille, résigné.

Avant d'avoir compté trois, un hurlement leur parvint. Sonore juron de Burton avant de s'élancer dans le boyau à la rescousse du monarque. Le prince des Myrmidons grommela quelques malédictions choisies et s'engagea à son tour dans l'étroit tunnel. pas la gaieté ramper là dedans. Ça l'écorchait de partout et comme si ce n'était pas assez, ça commençait à s'écrouler de partout. Il fallait se presser mais cela s'avérait plus facile à dire qu'a faire...il ne manquaient que quelques mètres pour la sortie quand tout s'effondra sur lui. À demi assommé, Achille entendit Richard hurler tout près puis sentit qu'on tirait de la corde qu'il serrait avec force.

À une baffe près et un peu d'eau plus tard, il revint à lui en toussant comme un damné.

Merci, les gars. Alors...qu'est ce qu'il s'est passé? Tu as trouvé un autre monstre , Louis?

Pas de monstre pour le moment mais sans doute tapi quelque part, dans ce paysage extraordinaire. Achille avait du mal à croire à ses yeux. De sa vie, il n'avait vu végétation semblable. Peu après, le petite procession s'engageait dans ce monde inhospitalier. Pas une promenade au jardin des Hespérides. On s'égratignait à loisir. On trébuchait sans cesse. Que faire pour se défaire de ces insectes gros comme des petits oiseaux qui leur tournaient autour en essaim. Mieux ne pas penser à ce que ferait une piqûre...et puis, faute de mieux le sol commença à...trembler anormalement.

Ce n'est pas un séisme...j'en ai vécu quelques uns...on dirait plutôt que quelque chose de très grand en déplacement...

Achille dévisagea ses compagnons, sans perdre le calme.

Gros, énorme et très, très lourd donc lent. Ça vient de là...

Il signalait leur gauche. Sans rien dire de plus, il tira un long javelot de son fourreau, sachant que ça ne servirait pas de grand chose puis tendit son glaive à Louis. Richard avait l'arc et les flèches.

On ne va pas attendre pour voir ce que c'est et sans être lâche, je vous donne un conseil...courez. Courez le plus vite que vous le pouvez et cherchons un abri...

*Mauvais pressentiment, mon vieux, ça vient pas dire bonjour!!!*

Pour une fois, Louis ne mit pas en doute sa décision et détala comme un lièvre, Richard derrière lui. Achille fermait la marche, risquant de temps à autre un coup d'œil par dessus l'épaule...il aurait préféré ne pas voir ce qu'il vit...

Aidez nous, Dieux cléments!!!

Bravo d'avoir suivi les consignes et même anticipé ce qui vous attend. Un Allosaurus vous a flairé. Cette bestion court plus vite que l'homme... malgré ses 5 tonnes. Courez le plus vite possible, Louis tu bats des records de vitesse et trouves une faille. Les autres... pareil. Il s'agit d'une niche juste suffisante pour vous trois.

Pourquoi fallait-il toujours que ce soit à lui que de telles choses arrivent ? Il avait promis de ne toucher à rien. Pour Louis, s’appuyer à la porte n’était pas la toucher ! Qu’en pouvait-il s’il rêvassait en attendant les autres et repensais au réconfort reçu de la part de ses amis !
Peu de gens peuvent s’enorgueillir de connaître au cours de leur vie une vraie amitié, du genre de celle qui envers et contre tout vous lie les uns aux autres. Pour ça, au-delà de la mort, le 14ème était servi et ravi. Aucune tromperie à redouter de ses compères, rien que de la cohésion pure, franche.
Il fut le premier surpris lorsque la porte céda en arrière. Ce qu’il contempla le sidéra. Il resta là telle une tortue renversée à contempler une jungle touffue au ciel pur. Un cri le sortit de son ébahissement :

Louis, si tu vis encore, viens ! Achille est coincé, ça s’est écroulé !

Pas la peine de le dire deux fois, le roi soleil se redressa et rentra prêter main forte à Richard pour dégager Achille. Que c’était lourd.

*Ma comparaison à un bœuf n’était pas mauvaise*

Déjà massif, avec des tonnes de terre sur le dos, l’athlète eut du mal à s’extirper de son trou.

Il a perdu connaissance ? Vite, des sels ! paniqua Louis.

Richard n’y alla pas de main morte. Quelques gifles et de l’eau ranimèrent le guerrier qui toussa copieusement.

*Je parie que l’on va encore dire que c’est de ma faute* pensa le roi en se reculant, prudent.

Qu’as-tu encore fabriqué, Louis ?

*Gagné !*
Je n’ai rien fait du tout ! protesta-t-il. Je me suis juste appuyé sur la porte et elle a basculé. Venez voir !

Il laissa ses compagnons évaluer la situation, préparant les paquetages.
Bientôt les trois amis s’enfoncèrent dans cette végétation dense et moite. Prenant un soin particulier de sa petite personne, le monarque regarda à chaque pas si un piège ne s’ouvrait pas. Il évita plusieurs souches et racines mais s’en ramassa aussi une paire. Le pire était les insectes. Jamais Louis n’avait imaginé que de telles bestioles existaient.

*Pourvu que ça ne pique pas ; avec ma veine, je serai empoisonné mieux que par « la poison »*

La touffeur des lieux, leur difficulté, rendait la progression lente et dangereuse. Ils s’abstinrent de parler pour ne rien dire ( lui surtout) puis il se produisit un phénomène étrange : le sol tressaillit.
Sentant la vibration, Louis verdit. Un volcan serait-il en train de naître sous leurs pieds ? Il n’avait pas raté les récits de la destruction de Pompéi en Italie. Un œil inquiet aux deux autres lui prouva qu’eux-mêmes redoutaient quelque chose. Les paroles d’Achille ne le rassurèrent pas :

Ce n'est pas un séisme...j'en ai vécu quelques uns...on dirait plutôt que quelque chose de très grand en déplacement...

En effet les secousses se répétaient anormalement.

Un… Un éléphant, espéra Louis de plus en plus décomposé. Il reçut un des glaives façonnés par le Grec :

On ne va pas attendre pour voir ce que c'est et sans être lâche, je vous donne un conseil...courez. Courez le plus vite que vous le pouvez et cherchons un abri...

Il n’en fallut pas plus au 14ème pour devenir une gazelle. Bondissant à vive allure, il galopa comme si sa vie en dépendait. D’ailleurs, elle en dépendait peut-être. Au cri :

Aidez-nous, Dieux cléments!!!

Loulou tourna la tête en arrière et faillit s’étaler tant la vision dans son dos était horrible ( non chichille, je parle pas de toi)
Le mastodonte devait faire 5 bons mètres de haut. Courant sur deux pattes griffues, il balançait sa grosse tête garnie de dents très acérées, trop au goût du monarque qu’une énergie nouvelle envahit.

Il va plus vite que nous ! Accélérez !

Cette énergie venait du désespoir. Il leur fallait un trou assez grand pour eux et trop petit pour la bête monstrueuse qui les voulait en en-cas. Leur course folle les menait droit à une paroi rocheuse. Peut-être que…
Très véloce, Louis était parvenu à rester en tête du peloton. Il fut le premier à remarquer une cassure dans la pierre.

Par ici, hurla-t-il en s’y enfonçant.
*Loin, loin, je veux mettre le plus de distance possible entre ce truc et nous !*

Il s’arrêta lorsque la faille ne lui permit plus d’avancer. Hors d’haleine, il vit, heureux, que ses compagnons l’avaient suivi.
Un mufle affreux se pointa à l’entrée du refuge. Considérant les armes à disposition, Louis s’accola contre la pierre.

On est fichu.

La belle course aux obstacles. Louis la menait belle, Richard dévorait les mètres à grandes enjambées. Achille se sentait l'âme d'un participant aux Olympiades...sauf que cette fois il n'y aurait pas de lauriers pour le vainqueur. La vie sauve serait leur récompense...s'il y avait lieu d'être sauvés.

Mourir en bataille avait été sa destinée. La gloire de ses faits d'armes l'accompagnait à travers les temps. Il n'avait aucune envie de finir croqué par ce monstre jailli du pire des cauchemars...ce serait une fin minable pour le héros de Troie...et encore il n'y aurait pas d'Homère pour chanter ses louanges...

*Athéna, la sage...intercède pour nous!*

Faute de mieux dans la vie et la mort, il faut s'en remettre aux tout puissants, qui gèrent le tout!

Sa Sérénissime et rapide Majesté avait déniché un abri. Pas le temps de se gêner avec les détails. Un après l'autre, ils s'y engouffrèrent à la comme on peut, se tassant, comme des lapins affolés le plus loin possible de l'entrée. Juste à temps pour voir le faciès hideux de la bête s'y pointer. Désappointé au plus haut point en se trouvant privé d'apéritif, l'animal ou ce que ça voudrait bien être, fit claquer furieusement ses puissantes mâchoires, leur donnant en passant un petit aperçu de sa gueule énorme. Pas de quoi laisser poindre le plus petit des espoirs...s'il leur mettait le grappin dessus, le futur se passerait de trois braves.

Il se passa un moment avant qu'ils puissent articuler mot, trop occupés à reprendre leur souffle. Achille ne se sentait pas le cœur pour donner son avis. L'idée de se voir acculé à une fin ignoble était loin de le ranimer. Le commentaire de Louis faillit le faire déprimer pour de bon:

On est fichu.

Tristement lapidaire. Avec un effort (il avait mal partout!), le prince grec se tourna vers le Roi Soleil.

Ben oui.

Fin de la conversation. Richard, explorateur jusqu'aux dernières instances, fut le premier à bouger.

Pousse-toi Louis; je dois voir s’il y a une sortie possible en amont.

Achille ne pouvait même pas penser à bouger son humanité. Dernier entré au boyau, il constatait sans difficulté, que l'abri, si bien les protégeant de leur Cerbère en service, n'offrait pas de grandes possibilités de mouvement. Il resta donc sagement pelotonné à sa place et attendit les grognements de Louis, qui ne manquèrent pas quand l'anglais le poussa sans trop d'égard pour sa Royale personne.

Par pitié, Roi, épargne nous tes plaintes...sinon, va faire un tour dehors et fais toi ami du gentil toutou!

Il était de mauvaise humeur. Tant pis si Louis le prenait à mal, il n'avait que faire des états d'âme du monarque. Le retour, trop rapide, de Richard, ne fit qu'empirer la qualité des relations sociales.

Un cul-de-sac. Il ne nous reste qu’à attendre que ce bestiau vide la place ou que nous parvenions à le tuer.

Achille ne put retenir un ricanement suintant d'ironie.

Avec quoi? Avec la force de nos pensées?...Tu as vu la cuirasse qui couvre ce monstre? Les flèches ne lui feraient même pas de chatouilles. Le glaive n'entamerait pas sa peau et pour lancer le javelot il faut de la distance.

Il nous faudrait des grenades… de la dynamite…

Louis et Achille le regardèrent de concert, très intéressés par cette idée, sans doute géniale et encore une fois, le Grec fit les frais du désenchantement.

Ouais. Sais pas ce que c'est mais on en a pas. Tu veux pas essayer avec des cailloux?...qui sait? On pourrait le laisser borgne d'un bon coup!

Il était franchement désagréable là. Sa mère lui reprochait souvent de bouder comme un gosse, quand il n'en était plus un, chaque fois que les choses sortaient de son contrôle. Il oubliait alors ses bonnes manières et se montrait odieux avec son prochain. Comme quoi, il n'y avait pas que Loulou pour faire la tête le moment venu.

Et s'il fout pas le camp, quoi? On reste là à nous raconter des histoires , crevant de faim en passant...parce qu'il me semble que la plupart de nos provisions sont restées en chemin!

Ce disant il décocha un regard noir à Louis, qui en courant comme une gazelle avait semé le parcours de précieuses conserves. Il n'était pas le seul à avoir perdu quelque chose mais en l'occurrence était le plus proche et susceptible de bien sentir sa colère.

Il allait encore ouvrir la bouche pour proférer quelque insanité quand un vacarme de tous les diables leur parvint de l'extérieur...vacarme était peu dire...une série d'explosions secoua même les parois de leur abri.

Une de deux...ou Zeus en personne est dehors et fait du bruit ou on a des visites!, maugréa Achille, franchement de très mauvais poil.

Parfait.

je vais être absent cette semaine. Si vous le pouvez postez dans l'ordre que vous voulez.
Vous entendez le boucan de détonnations qui ne ressemblent pas à un orage. Vous osez passer une tête dehors et observez ce qui se passe.

La faille était étroite et en cul-de-sac pour couronner le tout. Fâché d’avoir dû céder la place par deux fois à Burton qui ne se souciait pas de ses pieds, Louis râlait dans son coin, moins cependant qu’Achille. Celui-là semblait le tenir pour responsable de la perte d’une partie des provisions.

Tu n’avais qu’à porter ce sac toi-même, riposta-t-il, venimeux.

Oui, il avait eu la trouille de sa vie en voyant à quel monstre ils étaient confrontés, et alors ? Le Grec aussi avait couru, non ?
Sans doute en seraient-ils venus aux mains si une série d’explosions aussi étranges qu’inattendues ne secouèrent leur abri temporaire.

Qu’est-ce que… verdit le XIVème.

Une de deux...ou Zeus en personne est dehors et fait du bruit ou on a des visites!

Je vais préparer du thé au cas où, ricana Louis histoire se décrisper ses nerfs.

Il n’eut néanmoins pas l’occasion de se prêter à ce divertissement. L’odeur de la poudre parvint jusqu’à lui. Très intrigué, il dévisagea Richard dont la mine reflétait un intérêt attentif. Achille ayant été le dernier à entrer dans ce goulet, il fut le premier à oser se risquer dehors quand tout parut calmé. La curiosité poussa Louis et Richard sur les talons d’Achille (facile, je sais mais plus fort que moi) Là, à quelques pas de l’entrée gisait la carcasse fumante de la bestiole dentée. Beau carnage ! Louis faillit battre des mains devant ce spectacle peu ordinaire :

Ooohhh ! s’exclama le roi, enchanté. Morte la bête, mort le venin !
C’est vous qui avez fait ça avec ces bâtons de feu ?

Absolument ravi, Louis contemplait deux charmantes créatures très peu vêtues qu’un grand gaillard escortait, hélas.
Tous se regardèrent en chien de faïence jusqu’à ce que le Héros ne décidât de l’ouvrir :

Louis, roi de France. Richard, explorateur anglais et moi même Achille, prince des Myrmidons.

Bon, l’effet de ces noms prestigieux ne fut pas celui escompté. Point de courbettes révérencieuses ou quoique ce soit de solennel.
La bouche en cœur, le XIVème s’avança tout en rafraîchissant sa mise :

Excusez la rudesse d’Achille. Nous tenons à vous remercier chaleureusement pour votre intervention sublime sans laquelle nous serions sans doute en train de servir d’en-cas à cette… chose. Puis-je me permettre une question ? Veuillez pardonner ma curiosité mais point de gens ainsi vêtus n’ont fréquenté la rive de notre fleuve. Richard fait un peu l’exception qui confirme la règle. Pourriez-vous nous dire d’où vous débarquez ?

D’accord, l’œillade soutenue qu’il décocha vers la brunette n’était probablement pas de circonstance. Ses orteils souffrirent cruellement par le pied appuyé que ne rata pas de lui appliquer Achille.
Ces drôles d’ « invités » seraient-ils muets ? Pas un ne causa, se contentant d’échanger des regards surpris et circonspects.

Si j’osais, je souhaiterais solliciter votre aide afin de soulager nos estomacs affamés. Nous ne sommes que des voyageurs, illustres certes, mais égarés quand même.

Cette fois ce fut le coude de Richard qu’il reçut dans les côtes.

Ne découvrir qu’un cul-de-sac fit pester Burton plus que prévu. Il détestait être à court de solution or là… il n’en entrevoyait aucune. Dynamite, grenades… que n’aurait-il pas donné pour en disposer à ce moment même. Malheureusement pas de champignon en vue pour lui demander ces bienfaits. D’ailleurs il le leur aurait probablement refusé, comme à chaque fois qu’ils avaient tenté d’obtenir des armes. La mièvrerie de Louis lui tapait sur les nerfs. Qu’imaginait-il ? Que cela l’amusait de le coller pour passer devant lui ?
Lorsque tout se mit à vibrer sous l’impact de détonations, Richard n’en crut pas ses oreilles. Un tir nourri s’effectuait de l’autre côté. Poussières et gravats les mirent à mal puis tout se calma. Achille émit l’hypothèse de visiteurs et osa se pointer hors de l’abri. Que faire d’autre que de l’imiter.
Le spectacle ne manquait pas de piquant. L’énorme bestiau était couché sur le flanc, étripé de belle façon, sa carcasse fumant par des plaies béantes. Le héros grec, passé le premier moment de surprise, entreprit les présentations d’usage :

Louis, roi de France. Richard, explorateur anglais et moi même Achille, prince des Myrmidons.

Bref, clair et concis. Leurs sauveurs échangèrent des regards que Burton jugea suspicieux. Là-dessus, Louis fanfaronna :

Excusez la rudesse d’Achille. Nous tenons à vous remercier chaleureusement pour votre intervention sublime sans laquelle nous serions sans doute en train de servir d’en-cas à cette… chose. Puis-je me permettre une question ? Veuillez pardonner ma curiosité mais point de gens ainsi vêtus n’ont fréquenté la rive de notre fleuve. Richard fait un peu l’exception qui confirme la règle. Pourriez-vous nous dire d’où vous débarquez ?

Les deux filles et le grand gars semblaient abasourdis. Nul ne répliqua. Le roi soleil en rajouta en réclamant à bouffer ce qui fit voir rouge Richard dont le coude s’enfonça durement dans les côtelettes royales :

Veuillez pardonner mes compagnons. La surprise que vous éprouvez est on ne peut plus naturelle. Je me mets à votre place. Comment des gens disparus depuis des lustres peuvent-ils se tenir devant vous ? Nous n’inventons rien ; je puis vous l’assurer. Inutile de réclamer des pièces d’identité, nous n’en disposons pas. J’ignore si ma personne évoque des souvenirs chez vous mais j’ai eu la chance d’être un explorateur distingué ainsi qu’un ambassadeur apprécié. Qui ne connait pas les exploits d’Achille à Troie et qui méconnaîtrait l’un des plus illustres rois de France en son XIVème Louis.

Sciemment, pour qu’il la boucle, Burton avait ciré les pompes de loulou. Restait à voir s’il avait été convaincant. Les autres ne pipaient mot mais ne levaient pas leurs armes sur eux, ouf !

La réunion des groupes vous laisse pantois. Les historiques, vous comprenez à peine ce que racontent les autres au sujets de leurs installations qui, évidemment, vous attirent.
Pas de bol, de ce côté entre les îles le temps file plus vite que la normale. A peine le temps de déguster la bestiole, le soleil décline. Vous devez camper sur place.

Achille, tu te marres de ce qui se raconte puis tu t'endors comme une masse.

Julie: tu es sidérée de ce qui s'est produit. Tu te portes au secours d'Achille car son sommeil ne te semble pas naturel.

Miranda: tu veilles Achille et passes ton tour de garde.

Richard: tu décides d'installer un campement avec tour de garde

Louis: tu t'inquiètes pour Achille, tu dragues qui tu veux

Seb: tu sais quoi.

Et voilà que tout tournait en une gentille petite réunion. Pas l’esprit à se plaindre, Achille pouvait même se considérer assez satisfait par la tournure que prenaient les évènements. Ils avaient changé la bête répugnante pour une compagnie on ne pouvait plus plaisante. Il ne songeait pas au gars qui veillait sur les deux filles mais justement à elles. La brunette qui avait parlé tout d’abord était vraiment un joli morceau de femme, l’autre, même si on n’avait pas entendu le son de sa voix ne se voyait pas du tout mal non plus. Ce n’était pas lui qui allait faire le difficile…après tout quand on a plus de 3.000 ans sans une convenable compagnie féminine on ne se montre pas trop exigeant.

Louis, comme on pouvait bien s’attendre de lui partait en rond de jambes et sourires coquets. Achille fut tenté de lui taper dessus mais refréna ce désir, pas question de se mettre en évidence comme la brute en service. Richard, lui, se comportait à la hauteur des circonstances et rattrapait les vides d’éducation avec la classe d’un prince.

Passée la première commotion, dûe à la surprise de rencontrer de si célèbres aïeux, on passa à s’occuper de détails plus mondains. Bien sûr la défaillante demande du Quatorzième du nom avait fait son petit bout de chemin et le nommé Sebastien s’offrit, un peu coincé quand même, à partager provisions avec eux. Quand on proposa de manger la créature Achille réprima mal une grimace…si bien il n’était pas trop exigeant avec la nourriture, s’alimenter de cette bête étrange ne le tentait pas trop mais à la guerre comme à la guerre. Il avait déjà eu assez de chance en n’ayant pas à bouffer le rat géant…en plus, bien cuit, cela ne savait pas si mal…et puis tout le monde mangeait sans faire trop de chichis.

Tout en croquant la bestiole, il fallait bien entretenir la conversation. Pas besoin de se regarder en chiens de faïence pour le reste de la journée. Darken fut le premier à se lancer.

Vous avez parlé d’un fleuve. De notre côté, il n’y en a pas ou… nous ne l’avons pas trouvé. Deux îles y sont, par contre. Assez proches l’une de l’autre. C’est une tempête extraordinaire qui nous a amenés sur l’une d’elle. Des gens habitaient la seconde et on nous y a rapatriés. Eux étaient là depuis un an après un accident d’avion… une machine volante. Par hasard nous avons trouvé une porte dans une grotte et… nous voilà.

Achille hocha la tête, en réfléchissant à toute vitesse. Passer à des aveux complets ne lui semblait pas trop gênant…de toutes façons rien ne serait plus surprenant que dire venir de la nuit des temps accompagné d’un roi mort et d’un anglais pas trop actuel non plus.

Dans notre cas, nous nous sommes réveillés sur la berge de la rivière. On était morts et puis nous revoilà…c’est un peu difficile à expliquer mais je pense être simplement le jouet des Dieux…sait on jamais ce qu’ils sont capables de faire ? Tout le monde semble savoir que je suis mort à Troie…Louis l’a fait, un bon bout de temps après, en France. Richard lui, semblerait le plus moderne d’entre nous. Nous avons rencontré des gens venus de temps différents…Un empereur romain, une espionne célèbre…un type qui haranguait les foules…sans doute très connu aussi…Hitler qu’on le nommait…enfin, des êtres de tout poil et plume…tous morts dans un passé plus ou moins lointain et revenus à la vie sur ce rivage inconnu.

Il fit une pause et promena le regard sure l’assistance. Ses amis acquiescèrent en silence, pour le moment. Achille ne se doutait pas que Sa Majesté aurait son mot à dire. Richard serait sans doute plus discret. Darken fronçait les sourcils, la petite Miranda semblait tout simplement fascinée et la silencieuse Julie semblait se livrer à des douloureuses cogitations.

J’ignore, comme nous tous, le pourquoi et comment de cette histoire…en fin de comptes ça fait un moment que j’ai cessé d’y penser. Nous avons vécu des aventures assez incroyables pour aboutir enfin ici…à croire que quelqu’un voulait à tout prix que nous nous rencontrions…si quelqu’un a une idée valable, je serais ravi de l’entendre !

Peu de fois il avait largué un si long discours. Normalement il était assez avare de paroles. Sa spécialité étant l’action il ne lui restait pas grand temps pour de dévouer à la conversation mais, c’était chaque fois plus évident que les choses avaient changé.

La dernière bouchée de la créature avalée, il se sentait plutôt fatigué. Les derniers évènements n’ayant pas été de tout confort, il commençait à en ressentir les résultats et ne rêvait que de faire une sieste…seulement que le moment lui semblait plutôt mal choisi. Il n’allait tout de même pas s’endormir comme un marmot et laisser à Louis ou Richard faire les frais de la conversation…Mais par Zeus, qu’il était fatigué ! Pour plus d’efforts qu’il faisait, Achille ne pouvait pas empêcher ses yeux de se fermer et son corps de devenir pesant…

Je ne sais pas…ce qu’il se passe…je ne veux pas mais…

La dernière chose dont il fut conscient fut le regard surpris et effrayé de la gentille Miranda avant de sombrer dans ce qui semblait…une bienheureuse inconscience…

Se trouver soudain face à trois personnages historiques de renom avait de quoi secouer le plus avisé...surtout quand ils étaient parfaitement vivants. N'importe quelle femme au monde, entre 2 et 99 ans, n'aurait pu éviter de soupirer en voyant le sourire bon enfant du héros grec. Ou encore celui, enjôleur, de Louis XIV. Miranda était une jeune femme on ne peut plus normale, de là sa réaction face à tant de charme.

Bien sûr, M. Darken ne semblait pas être du même avis. Posté derrière elle, il mettait le monde sur avis: Cette femme est à moi, gare à vous! Cela n'empêcha pas Miss Fairchild de sourire, en toute joie de cœur, en jouant les parfaites hôtesses.

Serre t'on la main d'un Roi? Que faire avec un héros antique? Comment appelle t'on un ambassadeur? Tant pis pour l'étiquette. Au pire elle gafferait, mais tenant compte de la situation assez inédite et ayant un dinosaure mort en fond de décor, elle se limita à continuer de sourire...
De toutes façons, Sebastien prenait déjà la situation en main:

En… Enchanté de rencontrer d’aussi, euh, inattendues personnalités. Nous ne mettrons pas vos paroles en doute mais, excusez notre étonnement. Cette île nous réserve bien des surprises, dirait-on. Nous… Nous possédons quelques provisions que nous partagerons volontiers et, à moins que cela ne rebute l’un où l’autre, nous disposons là d’un fameux steak partiellement cuit.

Son fiancé semblait passablement nerveux, lui qui ne manquait jamais d'aplomb pour les conventions sociales. Bien sûr, offrir un festin pareil pouvait tout de même mettre dans l'embarras n'importe qui! Manger du dino!? On aurait tout vu...surtout tenant compte de la qualité des invités!

*Enfin, pourquoi pas?...je meurs de faim! Seb aurait pu me donner la pomme au lieu de la balancer sur la bestiole...pauvre chéri, tiens...il tremble? Il n'a tout de même pas peur de ce...héros antique? (soupir appuyé)...je ne l'aurais jamais imaginé si...wow!. Modère toi, Miranda...il est peut être très mignon, ce mec...toi, tu es la femme de Seb, la mère de son enfant et tu adores ce grand pataud, presque bon à rien de millionnaire!*

Sous les directives, très effectives de l'ambassadeur-explorateur, qui semblait vraiment savoir comment agir en situations imprévues, on leva un bivouac et on s'assit autour du feu.

* Sympa comme réunion de scouts...*

Sebastien se livrait à une boucherie sans nom sur le cadavre préhistorique. On aurait certainement pu l'aider dans cette tâche ingrate, surtout si tenait en compte la pauvre dextérité de ses gestes mais personne n'y songea...ou simplement ne voulut pas y songer. Dépecer un dino n'était définitivement pas trop agréable.

*Et penser que la vue de son propre sang lui tourne le cœur...*

Et puis, entre les sourires d'Achille et ceux de Sa Majesté, Miranda avait beaucoup à faire. Elle était impatiente de les écouter parler de leurs aventures, de leurs existences...

*Interview avec le passé...on remporte un Pulitzer pour bien moins que ça!*

Quand Seb lui mit sous le nez son morceau d'Allosaurus grillé à la grenade de main, Miranda fronça le nez. Elle décocha un regard navré à son voisin de gauche, en ce cas le héros de Troie qui n'avait pas l'air trop ravi, non plus.

C'est la première fois que je mange un truc pareil...et toi?

Il fit allusion à un rat géant... mais évidemment aux temps héroïques de la guerre de Troie ça faisait un bail que les dinos ne couraient pas la Terre. L'échange d'avis culinaires en resta là, d'autant plus qu'après un silence pesant, Seb reprit la parole pour raconter les pourquoi et comment de leur présence ici. Suivit un discours de la part du Grec expliquant à son tour les faits qui les amenaient dans le coin. Il semblait prendre avec grande philosophie le fait d'être mort et revenu à la vie, sans explications. Supposant être un simple jouet des Dieux.

*Penser que moi je jouais avec Barbie et Ken...s'ennuyaient pas, tes Dieux, mon grand!*

Qu'ils avaient rencontré un empereur romain? Miranda s'imagina Jules César. Une espionne célèbre? La seule digne de ce nom , à sa connaissance, était Mata Hari. Il parla de Hitler avec une simplicité adorable...s'il avait su. Et pour clore sa présentation déclarait qu'il serait très content qu'on lui fournisse, quand même, une explication valable.

Là, c'est mal parti. Nous même n'avons aucune idée de ce qu'il bien être en train de se passer. L'histoire ne tient de nulle part...mais on est là...à la merci d'un Champignon stupide qui d'abord nous fournissait tout ce dont nous avions besoin...pour après nous le reprendre et maintenant on doit travailler comme des mules à la mine pour avoir des diamants...avec quoi payer nos souhaits!

Ce détail là l'avait vexée outre mesure et même si elle n'avait pas eu à se casser un ongle dans la mine...elle enrageait quand même! Julie ,qui demeurait jusque là plongée dans un silence extatique, prit enfin la parole, s'adressant à Achille, au temps de le couver d'un regard...assez significatif, à l'avis de Miranda.

*Elle a raison...il est à croquer!*

Je suis comme vous, je ne comprends pas pourquoi tout cela est arrivé et surtout comment de plus de notre côté il y a eut plusieurs disparitions étranges et personne ne sait pourquoi, de toute façon comme vous le dites si bien, Achille, Dieu a dû nous mettre ici pour une raison particulière mais laquelle ?

*Personne n'y pige que dalle!...Sympa l'idée qu'on serait là en mission divine!*

Elle allait encore donner son avis quand le grand Achille déclarait avoir un sommeil fou et s'effondrait comme une masse.

*Zut...la foudre des Dieux!*

Un peu décevant quand même de la part d'un homme qui avait enduré les guerres sans flancher. Avant que quiconque d'autre réagisse, Julie avait bondi à son secours et lui épongeait le visage d'un bout de chemise mouillé. Après un examen rapide, la jeune avocate se tourna vers eux, consternée:

Je ne suis pas médecin mais tout ceci n'est pas naturel.

Tu as raison, Julie, faut pas être Albert Schweitzer pour s'en rendre compte. Pour qu'un type comme lui se retrouve dans cet état, je parie que c'est quelque chose de moche...Peut être a t'il mangé quelque chose de ...venimeux *A part ce dino!* ou quelque chose...l'a mordu? Piqué?

Elle se tournait vers les compagnons du héros tombé, à la recherche d'une réponse. Déjà le Roi s'activait pour venir en aide. Miranda le trouva émouvant. Il devait apprécier sincèrement son compagnon d'aventures d'où son air consterné. La Britannique, plus pratique, mit en branle bas tout le monde et en un rien de temps on leva un campement de fortune...pas question d'aller plus loin avec un homme inconscient.

*Ben oui...à moins d'avoir un bœuf pour le porter, je ne vois pas comment on va s'y prendre!*

Mais puisqu'on en était là, pas question de se défiler des responsabilités liées aux circonstances. M. l'ambassadeur parlait de tours de garde, très diplomatiquement il demandait l'avis de Sebastien, sans doute, pour ne pas l'évincer ouvertement de son poste de chef. Il fallait quand même lui reconnaître avoir rondement mené l'affaire jusque là. Chacun reçut ses ordres sans rechigner. Ainsi Miranda se vit destinée à prendre soin du malade en compagnie de Julie. Pas trop encombrant comme boulot, surtout que la jeune avocate semblait décidée à s'en charger toute seule. Miss Fairchild se vit donc reléguée à la tâche de faire causette pour passer le temps.
On avait installé Achille près du feu, en partant de la simple idée qu'il pouvait avoir froid pendant la nuit, même si Miranda soupçonna qu'on l'avait fait parce qu'il était trop lourd à transporter et que tous étaient crevés. C'est vrai que le pauvre prince des Myrmidons tremblait mais encore là, il fallut se rendre à l'évidence, que la fraîcheur de la soirée soudaine n'y avait rien à voir...il brûlait de fièvre.
Sus à la trousse de premiers soins qu'elle ne lâchait jamais. Faute de mieux une paire d'aspirines feraient l'affaire pour le moment. Restait à savoir comment les lui faire avaler sans qu'il s'étouffe avec...on abandonna l'idée.

Faudra le faire à la bonne vielle mode, assura Miranda, docte en échangeant avec Julie un regard malicieux, j'apporte l'eau et toi...le bassines!

Pas question de se proposer à le faire sous risque de voir Seb faire une apoplexie. Leur réserve d'eau se verrait sérieusement entamée mais il n'était pas question de se mettre en quête d'un ruisseau. La nuit était complètement tombée et autour de leur campement on entendait déjà grouiller la jungle épaisse.

Elle entendit Seb expliquer à ses nouveaux compagnons de route, le fonctionnement des armes. Au moins ce ne serait pas de ça qu'on manquerait. Darken s'était pourvu comme pour tenir un siège.

Je me fais de la bile pour lui, murmura t'elle, attendrie en regardant le visage moite du prince grec, il en a vu de pas belles dans son autre vie..ce serait ridicule qu'il crève d'une fièvre...

Elle se garda bien de passer sa main dans ces cheveux blonds, consciente d'être dans la mire sévère de Seb et de celle, pleine de censure, de Julie. De le faire ce n'aurait été que mûe par un sentiment maternel...dans son inconscience, il semblait si démuni et inoffensif, le héros de Troie.

La fatigue prenait rapidement le dessus et quand Seb s'approchant doucement, lui conseilla de prendre du repos, en tenant surtout compte de son état, Miranda lui en fut plus que reconnaissante. Elle le laissa préparer un endroit pour dormir et y prit place, en regrettant seulement qu'il ne reste pour lui tenir compagnie.

Tu sais, Sebastien Darken...je t'adore!

Un petit baiser plus tard et elle dormait comme un bébé...

Surprise du siècle ? Sans nul doute, oui ! Si déjà se réveiller de la mort en compagnie d’une tranche d’humanité disparue depuis des lustres n’avait pas été des plus joyeux, trouver un dinosaure que firent exploser des gens se disant du 21ème siècle n’en fut pas moins… époustouflant. Que dire ? Que faire face à une telle situation inimaginable ? La diplomatie aidant, Richard crut concilier tous les partis. En effet, les trois nouveaux venus ne semblaient pas particulièrement belliqueux hormis leurs armes diaboliques. Le sourire des filles engageait à la conciliation. Evidemment elles dévoraient des yeux le héros Grec dont la musculature, même crottée, devait émoustiller certains sens. Lui n’avait que faire de ce concert d’admirations muettes ; Louis moussait déjà, il fallait calmer les éclats.
Le gars qui accompagnait les demoiselles sentit-il d’où le vent venait ? En réponse à Louis, il déclara un peu chevrotant :

En… Enchanté de rencontrer d’aussi, euh, inattendues personnalités. Nous ne mettrons pas vos paroles en doute mais, excusez notre étonnement. Cette île nous réserve bien des surprises, dirait-on. Nous… Nous possédons quelques provisions que nous partagerons volontiers et, à moins que cela ne rebute l’un où l’autre, nous disposons là d’un fameux steak partiellement cuit.

*Manque pas d’idées ce type*

Un repas en commun quoi de mieux pour sceller des amitiés. De son vivant, Burton en avait commises des alliances dans des conditions similaires. Bien sûr ce serait une première en mangeant de l’allosaurus…
Dans sa barbe, Richard rigola des efforts de Darken pour paraître rester maître de la situation. Ceux déployés par les femelles auprès d’Achille n’en étaient pas moins risibles.
Les conversations roulèrent au gré des mastications laborieuses. L’ambassadeur avait dû déguster bien pire dans des campements nettement plus hostiles.
La brunette aux yeux malicieux tint un discours qui éveilla l’intérêt de Burton :

Là, c'est mal parti. Nous même n'avons aucune idée de ce qu'il bien être en train de se passer. L'histoire ne tient de nulle part...mais on est là...à la merci d'un Champignon stupide qui d'abord nous fournissait tout ce dont nous avions besoin...pour après nous le reprendre et maintenant on doit travailler comme des mules à la mine pour avoir des diamants...avec quoi payer nos souhaits!

Que racontait-elle ? Un champignon qui se faisait… payer ? Quelle veine ils avaient eue ! Intervenant, il dit :

De notre côté, le Champignon nous accordait ce que nous désirions si nous le tournions d’une façon précise quoique détournée. Ça a l’air idiot mais je m’explique. Nous voulions construire un ballon pour nous échapper. Le monde du fleuve nous retenait près de cette pierre magique. Impossible de s’en éloigner de plus de quelques kilomètres sous peine de mourir de faim ou de… disparaître…
Nous avons usé de stratagèmes pour obtenir toile et fils en prétextant vouloir construire une vaste tente.

S’il avait escompté captiver son auditoire, l’effet fut raté.

Celle qui se nommait Julie, papillonnant des cils sur l’étalon grec avoua :

Je suis comme vous, je ne comprends pas pourquoi tout cela est arrivé et surtout comment de plus de notre côté il y a eut plusieurs disparitions étranges et personne ne sait pourquoi, de toute façon comme vous le dites si bien, Achille, Dieu a dû nous mettre ici pour une raison particulière mais laquelle ?

Haussant les épaules, le Britannique se contenta d’écouter les autres discourir en picorant son plat, le regard vague fixé sur les flammes du foyer bâti. Dans leurs formes mouvantes, il crut apercevoir les doux traits de son épouse et sourit tristement.
Un brutal rappel à la réalité vint le détacher de ses rêves. Achille se sentait mal !

Je ne sais pas…ce qu’il se passe…je ne veux pas mais…

Vlam ! le voilà qui s’écroulait comme une masse. Le précédent, les femelles s’agitaient déjà autour de l’athlète.
La plus enflammée lui souleva les paupières, et dit d’une voix blanche :

Je ne suis pas médecin mais tout ceci n'est pas naturel...

L’autre approuvait :

Tu as raison, Julie, faut pas être Albert Schweitzer pour s'en rendre compte. Pour qu'un type comme lui se retrouve dans cet état, je parie que c'est quelque chose de moche...Peut être a t'il mangé quelque chose de ...venimeux ou quelque chose...l'a mordu? Piqué?

*De qui parle-t-elle ? Sûrement d’un grand médecin*

Burton réussit à approcher le corps avachi. Il estima aussitôt que la situation n’était pas idéale. Réminiscence de la fièvre d’après le combat avec le rat géant ? Autre chose ? Le fait est qu’avec la nuit tombée et l’état d’Achille, ils ne pouvaient plus bouger.

Nous allons dormir ici, soupira-t-il. Ces dames s’occupent bien de notre ami, je propose de veiller sur ce feu jusqu’à l’aube où nous aviserons. Je prends le premier tour de garde. Louis ou Sébastien… si vous voulez m’accompagner ? On inversera ensuite.

Darken se dévoua illico. Louis, passablement frustré d’être écarté auprès d’Achille tenta une comédie qui lui valut un coup de botte dans son auguste fondement :

Va dormir, Loulou ! Tu seras de relève dans deux heures.

La petite Miranda rendit les armes rapidement alors que Seb le rejoignait près du feu. Longtemps nul ne parla puis Burton avança doucement ses pièces :

Je ne vous ai pas suffisamment remercié de nous avoir sauvé la mise, pardonnez-moi. Au matin, nous aurons un souci pour transporter Achille à moins que les ablutions de Miss Lousiane ne lui redonnent une certaine vigueur… J’ai pensé à créer un pavois. Vous voyez ce que c’est ? Avec de longues branches reliées par des lianes, on bâtira une litière qui supportera le Grec. Vous, Louis et moi le tracterons jusqu’à votre porte. Si vos dires sont justes, vos installations sanitaires sont supérieures aux nôtres.
Pour sauver Achille, je suis prêt à tous les sacrifices. Sauvez-le et je jure d’accepter au moins deux de vos conditions.

Le marché était lancé. Que déciderait Darken ?

Tout d’abord Louis trouva que cette journée méritait d’être notée dans des annales quelconques. Que rêver de mieux que de tomber sur deux délicieuses créatures quand on en a été privé depuis des mois ? L’une avait l’air en main, ce qui le navra au départ mais s’était-il jamais soucié de ce genre de détail dans son temps ? Les cornes qu’il avait distribuées joyeusement étaient un honneur pour les maris cocufiés royalement. Néanmoins, depuis qu’il était descendu assez brutalement de son trône, le monarque avait appris à éviter les incidents dans ce monde si barbare. Le compagnon de la donzelle ne lui parut pas particulièrement dégourdi mais mieux valait éviter les ennuis.
La seconde demoiselle possédait des courbes très avantageuses et, hélas, une taille assez élevée par rapport à la sienne. Dans une autre époque cela ne l’aurait pas handicapé. Ici… Coincé entre le colosse et Burton, il ne devait pas payer de mine. Aussi s’écarta-t-il volontairement des deux autres afin que les différences de proportions soient moins évidentes.
Malgré le peu de déférences marqué par ces « visiteurs », Louis les jugea sympathiques. Le mâle « dominant » se chargea de découper des parts de bestioles à l’aide d’un très beau rasoir. Néanmoins, ses gestes assez maladroits le firent rigoler sous cape.
Naturellement, le Héros de Troie captiva la gent féminine au cours de ce repas campagnard. Une fois de plus, le roi déplora les fastes de sa cour. Contraint d’être assis sur le sol de la clairière et de manger sur une écuelle en fer blanc, les banquets somptueux présidés jadis lui manquaient.

*Savent-ils seulement qu’en temps normal, ils auraient dû attendre des heures, debout, que je termine mes agapes avant de picorer les restes ?* ronchonna-t-il pour lui-même.

Il ne doutait pas un instant que conviées à sa table, ces demoiselles auraient vite compris vers qui tourner leurs mirettes. Tout ce qu’il pouvait tenter était de briller par son esprit et bonnes manières. Il s’enquit donc courtoisement des désirs de chacune, leur versant de l’eau à la demande ou leur pelant un des fruits sortis de la musette de Darken. Rageant un tantinet de voir ses efforts inefficaces, il tenta de s’introduire dans la conversation qui l’excluait de façon honteuse. Les filles buvaient les paroles d’Achille :

J’ignore, comme nous tous, le pourquoi et comment de cette histoire…en fin de comptes ça fait un moment que j’ai cessé d’y penser. Nous avons vécu des aventures assez incroyables pour aboutir enfin ici…

En effet ! Saviez-vous mesdames que j’ai croisé un Néanderthalien et…

A croire que quelqu’un voulait à tout prix que nous nous rencontrions…si quelqu’un a une idée valable, je serais ravi de l’entendre !

Pour ma part, je pense que…

Là, c'est mal parti. Nous même n'avons aucune idée de ce qu'il bien être en train de se passer. L'histoire ne tient de nulle part...mais on est là...à la merci d'un Champignon stupide qui d'abord nous fournissait tout ce dont nous avions besoin...pour après nous le reprendre et maintenant on doit travailler comme des mules à la mine pour avoir des diamants...avec quoi payer nos souhaits!

Faire travailler d’aussi adorables mains ! Quelle horreur ! Elles sont si…

Je suis comme vous, je ne comprends pas pourquoi tout cela est arrivé et surtout comment de plus de notre côté il y a eut plusieurs disparitions étranges et personnes ne sait pourquoi, de toute façon comme vous le dites si bien Achille, Dieu a dû nous mettre ici pour une raison particulière mais laquelle ?

Si je puis me permettre…

Richard en rajouta une couche :

De notre côté, le Champignon nous accordait ce que nous désirions si nous le tournions d’une façon précise quoique détournée. Ça a l’air idiot mais je m’explique. Nous voulions construire un ballon pour nous échapper. Le monde du fleuve nous retenait près de cette pierre magique. Impossible de s’en éloigner de plus de quelques kilomètres sous peine de mourir de faim ou de… disparaître…
Nous avons usé de stratagèmes pour obtenir toile et fils en prétextant vouloir construire une vaste tente.

Oui ! s’anima Louis. D’ailleurs j’ai appris à coudre et…

Résultat nul ! Personne ne l’écoutait. Dépité, il se concentra sur son steak de dino qu’il trouvait infâme.

*Mon bon Vatel en aurait sûrement découvert une recette acceptable*

Il se produisit soudain quelque chose d’inespéré : Achille tomba dans les pommes !
Bien sûr la dénommée Julie se pencha directement sur le prince et lui souleva les paupières.

Laissez-moi voir mon ami ! se précipita-t-il vaguement inquiet quand même. Je suis une mère pour lui depuis notre rencontre.

Il lui souleva aussi les paupières, tâta son pouls et se gratta la tête.

Il nous a déjà fait le coup après un glorieux combat avec une étrange bestiole. 9a va passer, il faut juste bien le couvrir pour qu’il ne prenne pas froid. J’alimente le feu et apporte des couvertures !

Heureux de prouver son dévouement au Grec et son esprit d’à propos, il s’employa au mieux à sortir les plaids de voyage. Revenant près du groupe la vue de tant de sollicitude féminine déployée autour d’Achille lui donna une idée. Une main sur le front, il gémit :

Dieu me pardonne, je me sens très faible tout à coup !

Déjà ses genoux ployaient vite remontés par un coup de botte à son noble postérieur.

Va dormir, Loulou ! Tu seras de relève dans deux heures.

Inutile d’insister avec ce ton impérieux. Mécontent, le roi lâcha les couvertures près du beau dormeur puis s’en retourna se dénicher un espace convenable pour s’y lover.
Curieusement, il s’endormit presque sur le coup réveillé par une secousse de Richard. Un peu hébété, il s’enquit :

Achille ? Ça va ?

La tête de son ami valut un discours. Très tracassé, il se glissa vers le héros abattu que les couvertures et le feu n’empêchaient pas de trembler. Une autre couverture, sûrement la plus douillette de toutes, lui barrait le torse. Julie avait succombé au sommeil et tentait de donner de sa chaleur à l’athlète. Il aurait pu aller la redresser et lui intimer de veiller avec lui. Il n’en fit rien.
Monter la garde en solitaire ne serait pas une première. Il saisit une des armes abandonnée près du foyer, se posta en tailleur et attendit la relève.
Pas très amusant comme rôle. Le milieu était si hostile. Le moindre craquement le faisait sursauter, plusieurs fois il faillit tirer dans le noir en croyant apercevoir des ombres maléfiques. Pourtant, après une heure, ses sens furent en alertes. A en croire ses oreilles, une meute de… quelque chose était en action, tout près d’eux. Des bruits étranges et angoissants troublaient la nuit. N’écoutant que son courage, il se glissa vers ces sons peu engageants. Ce qu’il vit dans l’aura lunaire lui glaça le sang. S’ils avaient ripaillé du dinosaure, d’autres en faisaient banquet à leur façon à présent. Des dizaines de bestioles happaient de larges bouchées du monstre. A ce rythme, il ne resterait bientôt plus que la carcasse !

*Pas la peine de gaspiller des balles contre… ça ! Quand ils seront repus, ils s’en iront bien tout seul*

Très vite, Louis regagna l’abri du feu qu’il alimenta copieusement.
Lorsque son tour de garde s’acheva, Darken s’approcha pour le relever.

Non, je reste ; allez rejoindre votre femme. Je n’ai jamais eu besoin de beaucoup de sommeil dans ma vie antérieure ; c’est pareil ici.

Seul, il contempla les étoiles cherchant dans ce fabuleux tableau à composer les traits de sa dernière Françoise.
Une préoccupation le hantait : comment transporter Achille ? Leurs provisions ne seraient pas éternelles et on n’allait pas déguster du dinosaure à chaque repas au risque d’épuiser les munitions… La sagesse voulait qu’ils aillent chez « les autres » en priorité y soigner le Grec s’il ne récupérait pas ses forces.
Perdu dans ses pensées constructives, il imagina construire une chaise à porteurs, dresser un petit dinosaure, tracter le corps sur le sol détrempé, etc. avant de se rendre compte que l’aube pointait.
A la guerre comme à la guerre, ces gens auraient faim en s’éveillant. Il fouilla la musette de Darken et la jugea très maigre. Des baies complèteraient le quignon de pain, et s’il trouvait des œufs de repiles… Peut-être les filles le remercieraient-elles d’un sourire ?
Tout joyeux à cette idée, le monarque fureta aux alentours. Son fusil bien calé en main, il ne s’éloigna pourtant guère de peur de se faire reprocher d’avoir déserté. Dans des fourrés proches, quelque chose attira son regard. Ça brillait sur le sol comme un miroir.
Son éternelle curiosité le poussa à aller voir de plus près. Il n’avait aucunement l’intention de toucher ce truc bizarre mais le hasard voulut qu’il se prît une racine dans les pieds. Tombant en avant, il atterrit en plein sur la surface éclatante. L’instant suivant, il émergeait… en pleine nature dégagée ! Au loin se profilaient des bâtiments mais plus de forêt, ni de campement.
Déboussolé, il avança d’un pas mal assuré et contempla ce qui ressemblait à un village. La panique le gagna. Il était séparé des autres et Achille le tabasserait s’ils se croisaient à nouveau.

*Revenir ! Revenir à tout prix !*

Au sol, la surface qui l’avait amené là miroitait toujours. Décidé cette fois, Louis s’y jeta.

*Ouiiii !!!*

Il en aurait dansé de joie : il était retourné exactement à l’endroit quitté auparavant. Vite, il devait avertir les autres quoique…
Prudent, il rebroussa chemin et alla secouer Darken.

Venez voir, s’il vous plaît. J’ai trouvé quelque chose de bizarre. Peut-être savez- vous de quoi il s’agit ?

Plus la soirée s’avançait, plus Darken se détendait. Les trois hommes découverts ne manifestaient aucun signe d’animosité. Il est vrai qu’ils venaient d’être sauvés par le trio d’habitants mais sait-on jamais ? Sébastien fut assez ébahi d’apprendre qu’une région de l’île soit parcourue d’un fleuve immense. Ils en avaient pourtant parcouru un bon bout sans rien voir de semblable. Etait-elle plus vaste que prévu ou recelait-elle d’autres mystères ?
Les filles étaient suspendues aux lèvres du costaud alors que le freluquet faisait des efforts dérisoires pour attirer l’attention sur lui :

*S’il est ce qu’il prétend, ses royaux attributs doivent cruellement lui manquer ici. Je dirai à Miranda de se méfier ; il a cocufié tant d’époux ! Il pourra toujours essayer de soudoyer mes bonnes grâces, je n’échangerai Miranda contre aucun pactole au monde.*

Tour à tour chacun s’exprima. Des trois, Seb se sentait le plus à l’aise avec Burton. Il écouta attentivement ses propos :

De notre côté, le Champignon nous accordait ce que nous désirions si nous le tournions d’une façon précise quoique détournée. Ça a l’air idiot mais je m’explique. Nous voulions construire un ballon pour nous échapper. Le monde du fleuve nous retenait près de cette pierre magique. Impossible de s’en éloigner de plus de quelques kilomètres sous peine de mourir de faim ou de… disparaître…
Nous avons usé de stratagèmes pour obtenir toile et fils en prétextant vouloir construire une vaste tente.

Oui ! s’anima Louis. D’ailleurs j’ai appris à coudre et…

*Là, tu te fais mousser…* Un ballon ! Voilà une excellente idée ! Et ça a marché puisque vous êtes là. Nous, nous pouvons nous éloigner du Champignon mais pas d’un certain périmètre en mer. Une force invisible nous ramène en arrière. Plusieurs ont essayé sans succès.

Soudain, le baraqué tourna de l’œil, tombant d’un coup après avoir bafouillé quelques mots. Tous se précipitèrent à son chevet ; Achille semblait en proie à une mauvaise fièvre ce qui fut confirmé par un Louis aux petits soins pour son copain.
Sage, Burton décréta qu’ils dormiraient sur place. Seb ne put s’empêcher de ricaner devant la tentative d’évanouissement de loulou juste pour obtenir enfin un peu de sollicitude féminine. Richard ne s’y trompa pas, son pied rencontrant vivement les fesses du roi sans royaume.

*Tu aurais été embastillé pour crime de lèse majesté, dans son temps !*

Quoiqu’il en soit, le monarque ne se rebiffa pas et chacun s’organisa. Prévenant, Seb veilla à ce que sa chérie aille rapidement se coucher et saute son tour de garde qu’il prendrait à sa place :

Tu dois te reposer un maximum, mon amour ! Pense au bébé.

Ouf, elle n’avait pas rechigné, le gratifiant d’un « je t’adore » très apprécié. La tournante s’effectuerait deux par deux. Décontracté, Darken rejoignit Burton à qui il avait eu l’occasion de montrer l’usage des armes automatiques apportées. Ils avaient rapproché le Grec du foyer bien bâti. Malgré la chaleur, il grelottait. Très affectueuse, Julie lui bassina le front régulièrement avant de s’endormir contre l’auguste poitrine.
Au bout d’un moment de silence, Burton déclara :

Je ne vous ai pas suffisamment remercié de nous avoir sauvé la mise, pardonnez-moi. Au matin, nous aurons un souci pour transporter Achille à moins que les ablutions de Miss Lousiane ne lui redonnent une certaine vigueur… J’ai pensé à créer un pavois. Vous voyez ce que c’est ? Avec de longues branches reliées par des lianes, on bâtira une litière qui supportera le Grec. Vous, Louis et moi le tracterons jusqu’à votre porte. Si vos dires sont justes, vos installations sanitaires sont supérieures aux nôtres.
Pour sauver Achille, je suis prêt à tous les sacrifices. Sauvez-le et je jure d’accepter au moins deux de vos conditions.

Seb fut scié. Un tel dévouement entre personnages que tout opposait le surprenait et l’embarrassait. Il se gratta la nuque :

Vous avez… sans doute raison. Votre arrivée au village va plus que sûrement provoquer des remous qui ne seront pas nécessairement agréables. Il faudra demander votre statut auprès du maire… pour autant qu’il soit réapparu car au moment de nous mettre en route, il s’est… volatilisé. Il exigera probablement une contrepartie aux soins prodigués à Achille et vous demandera, comme à tous, de travailler à la mine pour gagner votre pitance. Est-ce trop réclamer ?

Un peu crispé, il vit avec soulagement Burton sourire et approuver silencieusement ces dires.
Le reste de la garde s’écoula en échangeant des informations enrichissantes aux deux parties. Il n’en aurait pas fallu de beaucoup pour que Seb ne projette une expédition vers le fleuve mais si l’état d’Achille était trop préoccupant, celui de Miranda ne l’en était pas moins aux yeux de Darken. Il remisa ses lubies au rancard songeant à sa douce qui l’attendait sans le coin aménagé pour eux.
Ouf ! L’heure du relai sonna. Richard alla secouer un Louis hagard qui s’enquit aussitôt de l’état de son ami :

*Ils se détestent tout en étant soudés comme des doigts de la main, ceux-là !*

Retrouver la chaleur de son aimée l’enchanta. Sans la déranger, il se lova contre elle, bénissant secrètement ce naufrage inespéré où il avait déniché la plus merveilleuse des bouées de sauvetage. Deux heures passèrent trop vite à son goût. Selon l’accord avec Burton, il devait remplacer Louis et Julie en compagnie de Miranda. Pas question que sa femme s’y colle, il y alla seul et se fit rabrouer :

Non, je reste ; allez rejoindre votre femme. Je n’ai jamais eu besoin de beaucoup de sommeil dans ma vie antérieure ; c’est pareil ici.

Bon, ben… que faire d’autre d’autant qu’il ne demandait pas mieux ?
Au petit jour, étreignant sa belle endormie, Seb fut réveillé d’une royale secousse :

Venez voir, s’il vous plaît. J’ai trouvé quelque chose de bizarre. Peut-être savez- vous de quoi il s’agit ?

Contraint, l’ex-milliardaire se leva en embrassant le front de son aimée puis suivit le roitelet très excité qui le mena derrière des fourrés où Seb pila net devant…

Un ascenseur ? Vous avez trouvé un autre ascenseur ? L’avez-vous emprunté ? Où vous a-t-il mené ?

Les explications de Louis déchaînèrent l’enthousiasme de Darken :

Vous êtes formidable !

Il lui aurait bien administré une accolade mais craignit d’offenser le monarque qu’il convia simplement au campement.
Là, il tapa sur une casserole :

Debout tout le monde ! Louis a découvert le moyen idéal pour rentrer chez nous. On range tout et on y va !

Les paquetages bouclés, Seb laissa le roi rougissant d’émotion mener la troupe jusqu’à la plaque brillante. Burton et Seb tractèrent Achille, toujours inconscient, sur une litière de fortune.

*Il est lourd, l’athlète* pesta Seb.

Peu importait. Les filles passèrent d’abord. Les « bœufs » amenèrent le Grec évanoui pile sur le rectangle brillant et le virent s’évaporer. Ensemble, ils posèrent les pieds et furent aspirés vers le village.